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ça bouge : laïcité au maghreb

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Message par Lèna Mar 8 Juin - 0:29

Au Maghreb, les têtes brûlées de la laïcité
LE MONDE MAGAZINE | 07.06.10 | 07h53

ça bouge  : laïcité au maghreb 1368065_3_b071_le-2-mai-a-casablanca-le-mali-mouvement
Le 2 mai, à Casablanca, le MALI (Mouvement alternatif pour les libertés individuelles) prépare un sit-in conte le harcèlement sexuel.


Envoyée spéciale au Maroc et en Algérie
PAULINE BEUGNIES POUR LE MONDE MAGAZINE


En tee-shirt et en jean, elle parle vite, une cigarette à la main. Sa voix dit son exaspération. "C'est une souffrance, au quotidien, de vouloir vivre sa liberté au Maroc, surtout pour une femme. Le ramadan est un concentré d'intolérance et de religiosité. Il révèle chaque année une face de la société marocaine qui fait peur et qui ne nous ressemble pas", lâche-t-elle entre deux bouffées nerveuses.
Photos interdites

Le 2 mai, le MALI (Mouvement alternatif pour les libertés individuelles) a été empêché par la police marocaine de mener une nouvelle action. Zineb El-Rhazoui et Ibtissam Lachgar avaient prévu un sit-in dans le centre de Casablanca, en compagnie d'une trentaine de sympathisants. Il s'agissait cette fois de sensibiliser les passants sur la question du harcèlement sexuel, "un véritable sport national au Maroc", comme le résume Zineb El-Rhazoui.

Avant même que le petit groupe ait pu s'installer et déployer ses banderoles, des policiers en civil se sont rués sur les deux meneuses et les ont interpellées avec une extrême violence.

Une photographe belge de 27 ans, Pauline Beugnies, qui réalisait un reportage pour Le Monde Magazine, a eu droit à la même brutalité et s'est vu confisquer son appareil photo. Toutes trois ont été retenues dans un fourgon de police et n'ont été relâchées qu'au bout d'une heure, après que les militants du MALI se furent dispersés sans avoir pu tenir leur sit-in. Cet incident est survenu dans un contexte de répression grandissante à l'encontre de la presse au Maroc.

Personne, au Maroc, n'a oublié le nom et le visage de cette étudiante en sociologie de 27 ans. Le 13 septembre 2009, Zineb El-Rhazoui provoque stupeur et tremblements dans tout le royaume. Avec une amie, Ibtissam Lachgar, psychothérapeute de 34 ans, et quatre compères rencontrés sur Internet, elle organise un pique-nique, en public et en plein jour, en plein mois sacré de ramadan. Le lieu du délit ? La forêt de Mohammedia, entre Rabat et Casablanca.

En bravant – avec des sandwiches – la loi marocaine qui punit de un à six mois d'emprisonnement un musulman qui rompt ostensiblement le carême, ces six jeunes ont un objectif : dénoncer "le poids de la morale" et de "l'inquisition sociale" au Maroc. Mais l'espoir des "dé-jeûneurs" d'amener les intellectuels à "sortir de leur silence" est vite déçu.

A quelques exceptions près, il n'y a ni débat ni solidarité. En revanche, un beau scandale. Une condamnation presque unanime des partis politiques et des dignitaires religieux. Et la prison, l'espace de quelques jours, pour cinq des jeunes, tandis que Zineb El-Rhazoui plonge dans la clandestinité.

Une dizaine de jours plus tard, l'affaire se dégonfle. Les "dé-jeûneurs" retrouvent leur liberté et l'Etat renonce à engager des poursuites.

A L'ENCONTRE DES IDÉES REÇUES

Alors, un coup pour rien ? Neuf mois plus tard, on pourrait le croire, à entendre les commentaires critiques, un peu partout au Maroc, y compris dans les salons huppés de Rabat et Casablanca où les jeunes rebelles sont qualifiés d'"irresponsables".En réalité, l'action de Zineb El-Rhazoui et de ses amis s'inscrit dans un long processus de sécularisation du Maroc.

En Occident, peu d'observateurs ont conscience de ce mouvement car il est souterrain, chaotique et, surtout, il va à l'encontre des idées reçues. Pourtant, il s'accélère.

Il touche également l'Algérie voisine et même, d'après les sociologues des religions, l'ensemble du monde musulman, avec des dynamiques diverses. Si cette marche vers la laïcité est perceptible dans une région comme le Maghreb, tournée vers l'Europe, elle est plus lente dans un pays comme l'Egypte dont 90 % des travailleurs qui ont émigré s'installent dans les pays du Golfe.

Face à ce phénomène, les pouvoirs en place naviguent à vue. Un jour, ils accompagnent cette évolution, un autre ils la freinent et même surfent sur la religiosité populaire, dans l'espoir de garder le contrôle de la situation.

Quand ils l'ont amené au commissariat de Mohammedia pour l'interroger, à la suite du fameux pique-nique, les policiers n'en sont pas revenus : Nizar Bennamate, 24 ans, faisait le ramadan ! C'était à n'y rien comprendre... Cet étudiant en journalisme était le seul du groupe rebelle à observer le jeûne. Un vrai laïc.

Quinze jours plus tôt, ce jeune, d'une famille conservatrice de Marrakech, avait découvert sur Facebook l'initiative de Zineb El-Rhazoui. "Cette idée d'un acte de désobéissance civile m'a plu", se souvient-il.

Pendant plusieurs jours, il a des échanges virtuels avec le groupe en gestation. Et, le jour du pique-nique, il prend le train pour Mohammedia, sans en avertir sa famille. "Je suis croyant et pratiquant, mais aussi pour les libertés individuelles. Beaucoup de mes amis ne faisant pas le carême, je connais la souffrance d'être marginalisé. C'est pour cela que j'ai tenu à participer à cette action", explique-t-il tranquillement.

REJETER L'"HYPOCRISIE OBLIGATOIRE"

Difficilement traduisible en arabe, le mot laïcité fait peur au Maghreb. Bien peu font la différence entre laïc, agnostique et athée. Comme le résume Abdesslam, 40 ans, croyant mais non pratiquant, "un laïc, c'est quelqu'un qui n'a pas de religion. Il est sorti de la route et n'appartient plus à la communauté musulmane. Je n'ai donc pas de temps à lui accorder". Une opinion largement partagée dans les milieux populaires.

Dans les foyers privilégiés, en revanche, chacun mène sa vie comme il l'entend, en partant du principe qu'il ne sert à rien de "faire de la provocation gratuite", et que "si on ne veut pas respecter les principes de l'islam, c'est possible, mais chez soi".

C'est précisément cette schizophrénie que refusent de plus en plus de jeunes. "Ils ne rejettent pas la religion mais l'hypocrisie obligatoire", souligne Ahmed Reda Benchemsi, le directeur du groupe de presse TelQuel, à la pointe du combat pour la laïcité au Maroc.

Pour lui, "on ne naît pas musulman". On choisit "de le devenir, ou de ne pas le devenir". Le festival de musiques alternatives L'Boulevard – qui draine à Casablanca chaque année depuis dix ans quelque 160000 personnes venues de tout le Maroc – est une excellente illustration de cette laïcité émergente.

Florence Beaugé
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